Maria Vérone, une féministe de choc (1874-1938)

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Biographie par Jean-Louis Le Breton

Quand on a une arrière-grand-mère de la trempe de Maria Vérone, c'est un devoir de le faire savoir à un large public. C'est ce que fait – avec Maria Vérone, un destin féministe (Panache) (1) - Jean-Louis Le Breton, par ailleurs créateur du Canard gascon et auteur de nombreux romans policiers et de pièces de théâtre jouées dans l'Armagnac et la plaine de l'Adour. Le Journal du Gers l'a rencontré le 26 août 2021.

Et pour le public, c'est un plaisir instructif, surtout dans notre période de luttes féministes renouvelées, où certaines féministes veulent dominer les hommes, ce qui ne fut jamais le cas de Maria Vérone, qui a lutté ardemment pour l'égalité des sexes.

Ainsi s'exprimait-elle en 1924 : « ...Nous voulons voir dans l'avenir l'homme et la femme étroitement unis, mais libres et égaux ». Cette « grande voix ardente » (2) s'est tue en 1938. 80 articles sont publiés lors de son décès. Ainsi, Suzanne Dudit, dans Minerva, « C'est une très grande perte que vient de faire le féminisme français (…) Son cran, son enthousiasme y étaient légendaires (…) Si la cause des femmes triomphe un jour totalement, il ne faudra jamais oublier que Maria Vérone aura été un des plus sûrs artisans de cette libération ». Et pourtant, l'Histoire l'a oubliée...

Les droits des femmes

Lorsque commence la vie de Maria Vérone, en cette fin du XIXe siècle, les droits des femmes sont restreints, à commencer par le droit de vote, dont elles sont privées : « les révolutionnaires, qu'ils soient de 1789, de 1793, de 1830, de 1848 ou de la Commune [1871] ont un point commun : ils se sont souciés du vote des femmes comme d'une guigne ».

Mais le domaine est vaste : le droit au travail (retenons que la profession d'avocat n'est pas ouverte aux femmes), l'inaccessibilité au baccalauréat, l'égalité des salaires, l'infériorité civile de la femme, privée de droits juridiques et soumise à l'autorité du père, puis à celle du mari. Notons, en brûlant les étapes, que c'est seulement le 21 avril 1944, que le gouvernement provisoire du général de Gaulle donne le droit de vote aux femmes. Et c'est le 13 juillet 1965, que le Parlement vote une loi autorisant les femmes à ouvrir un compte bancaire en leur nom et à travailler sans le consentement de leur mari.

Une militante de choc

Dans la chronique régulière qu'elle publiait dans le périodique La Fronde sous le pseudonyme Thémis le 10 août 1903, Maria Vérone lève le voile sur le rôle qu'elle veut jouer : « La femme forte – celle dont une éducation et une instruction bien comprise auront formé le cœur et l'intelligence aux idées larges – est appelée à transformer la société, elle seule parviendra à donner l'élan aux timides, encore imbues des préjugés séculaires que l'homme espère en vain, maintenir à son profit ».

Maria Vérone obtient le brevet supérieur en 1892, qui lui ouvre l'accès aux études universitaires. Elle souhaite devenir professeur de maths, mais son père meurt en 1893, ce qui l'oblige à prendre immédiatement un métier : elle devient institutrice, tout en militant, comme son père, à la Fédération française des libres penseurs (FFLP) (3).

Mais, en 1897, elle prononce à Orléans une conférence incendiaire – d'extrême gauche, en langage moderne – attaquant l'Église, les bourgeois et le gouvernement : elle est révoquée.

Pour gagner sa vie, elle devient chanteuse lyrique. Et journaliste pour rendre compte des procès. Mais, en 1900, René Viviani et Raymond Poincaré vont voter une loi ouvrant la profession d'avocat aux femmes. Maria Vérone prête serment en 1907 et elle est la première femme à plaider en Cour d'Assises à Paris.

Parallèlement, elle est un membre actif de la Ligue française pour le droit des femmes (LFDF) et petit à petit, son action militante se tourne en priorité vers le féminisme, sans toutefois abandonner son anticléricalisme et son espoir de révolution sociale.

Antimilitariste avant la Guerre de 1914-1918, dès la déclaration de guerre, la voici patriote ! Au point qu'elle organise dans Paris de nombreux ateliers pour donner du travail aux femmes et elle devient marraine de guerre. Cela peut paraître étrange, mais bien d'autres, plus connus, ont eu la même attitude, comme le dirigeant socialiste Jules Guesde, rival de Jean Jaurès.

Dans l'action féministe

Le vote des femmes  est sa grande préoccupation, mise en sourdine pendant la guerre. Elle écrit dans le quotidien national L'Œuvre et dans Le Droit des femmes, organe de la LFDF. Elle soutient la candidature – impossible - de Jeanne Laloë au conseil municipal de Paris. Celle-ci note : « Nous payons les impôts, nous payons patente (…) et il n'est jamais venu à l'esprit de nos législateurs de diminuer ces impôts ou cette patente commerciale pour les femmes. Si nous sommes traitées en égales par les hommes pour payer, nous devons l'être aussi pour légiférer ».

Maria Vérone est de celles qui ont le plus travaillé pour le droit de vote des femmes. Mais le Sénat a toujours refusé les lois préparées par les députés, d'où des polémiques entre Maria et certains sénateurs. Pour se faire entendre, les femmes françaises négocièrent au lieu d'affronter le gouvernement, comme les suffragettes britanniques. Qui obtiennent un droit de vote limité en 1918 et total en 1928.

L'avortement : « opposée à l'avortement, elle défend pourtant celles qui sont contraintes d'y recourir et pointe la responsabilité vers les hommes qui les ont mises enceintes. Eux ne sont jamais inquiétés. Maria critique le fait que « la faute » soit toujours au compte de la fille-mère.

Le sort des femmes après la démobilisation : les femmes qui ont remplacé les hommes dans les usines et les administrations risquent d'être licenciées. Maria Vérone, qui va devenir en 1919 présidente de la LFDF, s'inquiète de leur sort.

Les conditions de travail des femmes : en 1902, Maria Vérone va soutenir les femmes grévistes des Sucrières Lebaudy. En 1907, elle adhère à l'Association pour l'enseignement de la législation et de l'hygiène sociale. À partir de 1910, elle va aux réunions de La Chambre syndicale des ouvrières couturières, lingères dont elle devient la conseillère juridique.

Après la guerre, certains accusent les femmes de « voler le travail des hommes » et veulent les forcer « à rentrer chez elles et à faire des enfants pour repeupler la France ». Maria réplique : « Il n'est nullement question de défendre aux femmes de récurer les casseroles, de frotter les parquets etc. Bien au contraire ! »

Elle reproche à la CGT de revendiquer des salaires différents pour les hommes et les femmes et elle écrit aux ministres du Travail et de l'Intérieur pour demander un salaire égal aux salariés des deux sexes.

Autres luttes : Maria Vérone lutte devant les Tribunaux pour des femmes qui doivent aller à l'étranger, mais n'en ont pas le droit sans l'accord de leur mari, d'où des situations kafkaïennes, notamment si le mari est malade. Elle lutte pour que les Françaises qui ont épousé un étranger et, par là, perdu leur nationalité française, puissent la recouvrer etc. Elle lutte pour que des Tribunaux spéciaux pour enfants soient créés : elle obtient gain de cause. Et elle défend beaucoup d'enfants.

Brève conclusion

Empruntée à Marcelle Legrand-Falco, du Conseil international des femmes : « Les femmes du monde entier ont perdu en elle une de leurs plus dévouées représentantes, un de leurs plus courageux défenseurs et aussi la plus fidèle et la meilleure des amies ».

(1) Le livre est en vente sur le site des éditions panache (www.editions-panache.com). (2) Suzanne Grinberg célèbre avocate de l'époque. (3) Mouvement essentiellement anticlérical luttant contre l'éducation religieuse.

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