Le Petit Monde de Vic : CLP, CQFD... ou toute la vérité sur la vie secrète des correspondants locaux de presse 2ème partie

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La première partie des aventures de notre CLP est à retrouver en cliquant ici Première partie

Et voici la suite de la journée de notre CLP...

Avoir des informations c’est un métier

André sort du café. Il repousse la porte sans discrétion. Il bouscule une vieille dame connue de la paroisse pour tout savoir sur tout le monde.

Il ne l’avait pas vue, trop préoccupé à théâtraliser sa sortie du café.

Ce dernier échange volontiers des informations voire des ragots avec celle-ci. En bon correspondant, il donne une information connue de tous pour en obtenir une plus fraîche.

Le maire n’aime pas cette femme, il s’agit de Rosette, le cheveux gris et le chignon porté haut. Ses robes sont invariablement bleu foncé et très longues. Elles laissent deviner des bottines d’un modèle ancien. Son terrain de chasse de prédilection est le presbytère et l’église.

Rosette dame patronnesse...les bons tuyaux

André l'apostrophe avec gentillesse.

« Allez, je vous offre un café ! "  Il pense en lui-même : « Le maire va s’interroger  sur le pourquoi de cette conversation impromptue... ».

André entame la conversation :

" Madame David m’a encore affirmé que Madame Roland a été reçue à la mairie.

Vous allez me parler de tout cela. "

Rosette lui décoche un grand sourire comme seule réponse.

André, affable, lui ouvre la porte et la tient ostensiblement . Il croise le regard du maire qui est toujours appuyé contre le comptoir. Une table est libre au fond de la salle. Ils prennent place.

« Deux cafés ! »

André entame les hostilités :

« Oui, cela fait deux fois que Madame Roland a été reçue par le maire et à chaque fois, il ferme la porte… Je tiens cela de Madame David dont la fille travaille à mi-temps à la mairie pour un stage… 

- Ah bon ? " Rosette joue les étonnées.

Rosette se risque à un regard en biais vers le maire. Il ne faudrait pas qu’il entende. Quant au maire, il se penche sans discrétion pour tenter de saisir des bribes de conversation, mais sans succès.

André poursuit :

"Je pense que Madame Roland à un penchant pour le maire… Elle est jolie pour ses quarante ans.

- Vous croyez ?" , Rosette devient agaçante.

André poursuit mielleusement.

"Pourquoi voulez-vous qu’il ferme la porte ? "

André soupire et ne prononce pas un mot. Son interlocutrice n’ajoute rien. Ce n’est pas bon signe.

La réalité est tout autre. La porte est fermée pour des raisons de discrétion. La famille de Mme Roland connaît des difficultés qui ne regardent que le maire qui prodigue des conseils amicaux.

André se rend compte qu’aujourd’hui ce n’est pas son jour de chance. Il se lève et joue les hommes débordés.

"Je dois faire l’interview du principal du collège. Il accueille un groupe d’élèves italiens dans le cadre d’un échange .

- Ah, bon ? »

Là-dessus, il se lève en saluant poliment Rosette.

Le maire le regarde s’éloigner. Il est au nombre des personnes qui se méfient d’André.

Il est 9h30, il a prit du retard. Juste le temps d’aller au collège pour rencontrer le principal.

Les journalistes de la TV sont équipés d’un micro, si possible d’une grande taille. Lui son arme c’est le dictaphone. Sûr de lui, il appuie sur le bouton de l’interphone situé à la porte.

Une voix qu’il ne connaît pas lui répond :

« Monsieur le Directeur ne peut pas vous recevoir, il lui faut une autorisation du rectorat qu’il n’a pas encore reçue ».

Il maugrée : « Tant pis pour lui, il n’aura pas d’article ! »

A ce moment, un petit bip résonne dans le téléphone. L’association de pêche vient de lui envoyer un article tout fait. Il tente de donner l’habitude aux gens qui souhaitent communiquer de rédiger les articles à sa place. Toujours dix euros de gagnés facilement.

Midi approche, il rentre dans son pavillon situé dans une petite rue perpendiculaire de la rue principale. Il vit seul. Il est veuf depuis vingt ans et n’a jamais songé à se remarier. A vrai, dire son statut professionnel ne fait pas rêver la gent féminine. Les fins de mois sont difficiles. Sa maison est grande, mais il ne vit que dans deux pièces. La cuisine est dans un profond désordre. La peinture des murs blancs est vieille et usée par le temps. Des traces noires sont visibles ici et là.

Un petit ordinateur portable est posé sur la table avec des feuilles de papier blanches qui couvrent la grande table de la cuisine.

Il ouvre le couvercle d’un geste lent et met en route l’appareil. Ce dernier commence à ronfler, le modèle est ancien et la ventilation est hors-d’âge.

Ses habitudes sont celles d’un vieux célibataire. Il ouvre la partie haute de son antique réfrigérateur et en sort une pizza congelée « prêt à finir ». Il ajoute des lardons et du fromage râpé. Il la pose dans le four à micro-ondes. Ce dernier ronfle à son tour.

Il s’assoit devant la grande table et pianote sur l’ordinateur. Ce dernier se connecte à Internet pour transférer au journal « l’article des pêcheurs ».

Sitôt cette importante tâche effectuée, il se rend sur le site du Journal du Coin qui est un magazine en ligne très local. Pierre, son concurrent et connaissance, est toujours prompt à passer des nouvelles des associations.

Il cherche et trouve. Les joueurs de belote organisent un concours. André ne le savait pas. Il effectue un savant copié-collé en surlignant l’article de son ami.

Il enregistre la photo et hop il envoie le tout à la suite de l’article des pêcheurs. Cela représente 10 euros de plus.

Il pose sur l’antique gazinière une casserole remplie d’eau pour préparer ses pâtes comme tous les jours. Aujourd’hui, elles seront agrémentées de sauce au basilic et d’un morceau de poisson congelé. Une bouteille de vin rouge trône devant son assiette. Il s’en verse un verre. C’est un cadeau de la coopérative, en échange d'on ne sait quel service. Cela donne un air de fête au frugal repas.

Un saucisson a été volé chez un restaurateur. Il doit s’y rendre pour recevoir le témoignage du malheureux commerçant.

Il n’est pas encore 14h. « Il m’offrira le café ! »

L’établissement est situé deux rues plus loin. Tout en quittant son logement, il vérifie que son sac est complet. L’important est que l’enregistreur soit rechargé.

La porte en bois du restaurant grince.

« J’ai appris que l’on t'a volé un saucisson !? »

Le restaurateur est à lui seul une caricature. Sa bedaine proéminente le précède. Il est habillé d’une chemise à carreaux et d’une veste blanche maculée de sauce tomate. Une grosse moustache lui surligne le nez. Les quelques cheveux qui lui restent sur le crâne sont en bataille.

Il porte tranquillement ses 60 ans et est une figure de l’association des commerçants. C’est Alain, tous le connaissent.

André sort son arme secrète, à savoir son dictaphone, qu’il plante à 1 centimètre de la grosse moustache. L’homme recule surpris.

André a le bras tendu, commence un véritable interrogatoire.

« Cela s’est passé quand ? 

-Hier midi ! Le saucisson était là ! " D’un geste le restaurateur pointe le comptoir. Une douzaine de saucissons énormes sont pendus au-dessus. Un clou est vide.

" Je n’ai rien entendu ! j’étais dans la cuisine. Le mercredi, je suis seul, car Elodie, la serveuse s’occupe de son fils âgé de trois ans .

-Tu as une idée, sur l’identité du coupable ? 

- Non ! c’est sûrement quelqu’un de proche." 

André relâche la tension de son bras pour ranger le dictaphone dans son sac à appareil photo.

Il sort un antique appareil.

« Une petite photo ! »

L’intéressé pose devant son comptoir et l’emplacement vide du saucisson. Il sera dans le journal dès le lendemain. Cela ne lui déplaît pas.

« Tu prendras bien un café ? » Là-dessus Alain, le restaurateur, lui en sert une tasse fumante.

André pensait vraiment qu’il n’aurait jamais ce café. Habituellement, il est servi dés qu’il rentre dans l’établissement.

Après visionnage des caméras de la ville, le coupable a été identifié. Il s’agit d’un gros chien qui se promène dans les rues et qui est connu de tous pour sa gentillesse. Les caméras ont saisi le moment ou le gourmand sortait avec le gigantesque saucisson dans la gueule. Ce dernier fait a réduit à néant la dramatisation de l'événement par l’article. Néanmoins, André est heureux, cela lui a fait gagner 13 euros avec la photo de l’infortuné commerçant.

Ce soir, il doit se rendre au conseil municipal. Cela commence à 21h00 et se termine tard dans la nuit. Il se doit de réaliser une photo de la table avec les élus y siégeant. Les bavardages sont nombreux et parfois cela ne l’intéresse pas vraiment.

Heureusement, une secrétaire sympathique lui communique le compte-rendu, qu’il expurge de tous les éléments qu’il juge inintéressants.

Cela lui vaut de se faire interpeller dans la rue par tel ou tel élu mécontent en fonction des sujets qui n’ont pas les honneurs de la presse.

Deux jours plus tard, à la sortie du café, André croise le maire, pour une tentative d’interview informelle concernant le ramassage des crottes de chien.

Ce dernier n’a pas oublié le compte-rendu du conseil municipal réduit à sa plus simple expression et surtout, ce qui était resté mettait le maire en difficulté au regard des critiques de son opposition.

« J’en suis certain maintenant CLP signifie Comité des Langues de P.tes et pas Correspondant local de presse ! CQFD !»

Là-dessus le maire, heureux de sa tirade, laisse André le bras tendu portant le dictaphone.

André l’observe désabusé.

« CQFD ? 

- C’est ce Qu’il Fallait démontrer !  Monsieur Laurent l’instituteur le disait tout le temps.

-Pas grave, il a besoin de moi ! » pense André avec le sourire. La-dessus, il se trompe un peu, le temps des réseaux sociaux est arrivé..."

Meilleur dessin du maire pendant un conseil municipal ennuyeux : ce dernier a imaginé son grand-père en train de prendre en photo André.

Texte et illustrations : François MACE

Retrouvez les liens des premiers épisodes du Petit Monde de Vic  ci-dessous :

Le curé aux chaussettes pourpres :  Partie 1 et Partie 2

Atout coeur :  Partie 1 et Partie 2

La chanteuse qui n'est plus en formes : Partie 1  et Partie 2

Vic vaut bien une messe Partie 1 et Partie 2

 

 

 

 

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