Populisme contre Démocratie

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Le populisme a détruit les anciens partis de gouvernement.

 

Dr Maxime MAURY, Officier des Palmes académiques, Professeur affilié à Toulouse Business School, Ancien directeur régional de la Banque de France. 

« La désinformation est plus facile à répandre que la vérité. » ( loi de Brandolini)

« Les hommes d’État pensent aux générations futures, les politiciens à la prochaine élection » ( Clarke)

 

Le peuple ce n’est pas la foule dans la rue même en millions, et encore moins les sondages d’opinion.

En démocratie, le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus.

Le populisme commence quand la foule prétend s’opposer aux décisions parlementaires et constitutionnelles qui lui déplaisent. L’insurrection quand l’émeute prétend renverser la Loi.

La démocratie, à Paris comme à Washington, à Brasilia comme à Rome et ailleurs, c’est d’abord le respect de la Constitution et de la vérité objectivée par les faits documentés. La démocratie suppose de la décence.

Le populisme est nourri par le déni de réalité et l’irrationnel, il est libéré du surmoi et de la probité des nuances, chauffé à blanc par les réseaux sociaux et des médias qui de plus en plus commentent mais n’ informent pas.

Le populisme explose partout dans les démocraties depuis quelques années car la démocratie est devenue un spectacle et a cessé d’être une ardente obligation fondée sur les vertus civiques. C’est le sénateur Lewis qui écrivait : « La démocratie n’est pas donnée, elle se conquiert sans cesse. »

Avec son torrent ignoble de violences, sa barbarie des langages et sa confusion des sens, le populisme se nourrit de la crise économique , environnementale et sociale.

Les excès du capitalisme financier y contribuent largement car ils suscitent la stupeur et le sentiment d’injustice.

La fin de la morale publique dessine l’ère de la « post-vérité » conformément à la redoutable « loi de Brandolini ».

Cette loi de la communication peut mettre à bas la démocratie qui suppose

l’échange de vérités : elle postule qu’une information fausse circule plus vite qu’une information vraie. Autrefois on disait : « Calomniez, calomniez , il en restera toujours quelque chose. »

Compte tenu de la puissance inégalée des mass médias et des réseaux sociaux dont le fonctionnement est de plus en plus polarisé et accéléré, le délire de l’information crée mécaniquement de la désinformation, ou une information de plus en plus biaisée et approximative.

Cette loi avait été également exprimée par Toqueville dans les termes suivants :

« Une idée fausse mais claire et précise aura toujours plus de puissance dans le monde qu’une idée vraie mais complexe. »

En France depuis les Gilets Jaunes et à nouveau aujourd’hui avec la nécessaire mais impopulaire réforme des retraites, le populisme déferle.

Le plus grave dans le populisme c’est qu’il ne permet plus de distinguer le vrai du faux et remplace la raison par l’émotion.

Il ressemble à l’ivresse alcoolique.

Le populisme est flatté et manipulé par celles et ceux qui croient y trouver un intérêt politicien ou médiatique, mais détruisent progressivement notre démocratie en y répandant l’illusion.

Le populisme pousse dans le terreau de la facilité.

C’est bien ce que l’on avait déjà observé dans les années 1930.

C’est Hannah Arendt qui écrivait : « La banalité du Mal s’insinue dans l’absence de pensée. »

Le populisme se nourrit aussi de formes d’expression ou d’images inappropriées de responsables publics qui abaissent la dimension symbolique de leurs fonctions.

Le populisme agit ainsi comme un dissolvant de la démocratie par la perte d’estime des responsables publics qu’il suscite et qu’eux-mêmes entretiennent par leurs comportements sans retenue.

Face au populisme, le président de la République ne pouvait que maintenir la nécessaire réforme des retraites.

Il a fait preuve de loyauté :

  • Loyauté à son devoir d’État qui est de préserver notre système de retraites par répartition hérité de la Libération ; il n’y avait pas d’autre solution que la mesure d’âge; car la hausse des cotisations n’aboutirait qu’à des destructions d’emplois ;
  • Loyauté au parlement qui a adopté cette réforme et l’a améliorée avec la Première ministre qui a rendu justice aux carrières longues ;
  • Loyauté à ses engagements de campagne;
  • Loyauté enfin à nos partenaires européens avec lesquels nous partageons la même monnaie et qui s’inquiètent de notre dérive financière; tous ont reporté l’âge de la retraite à 65-67 ans.

Le populisme a détruit les anciens partis de gouvernement. 

Le Parti socialiste est moribond. En trahissant leurs engagements de campagne présidentielle sur la retraite à 65 ans, les 19 députés républicains qui ont voté la censure ont précipité l’agonie de leur formation. Avec la complicité de certains de leurs chefs.

Le contraire du populisme dans cette affaire de retraites eut été la co-construction avec les syndicats d’une grande Loi sur le Travail comme suggéré dans nos chroniques précédentes.

Pour accompagner la réforme des retraites ( pénibilité , séniors), mais aussi pour mieux partager la valeur ( dividende salarial, généralisation de l’intéressement et de la participation, distribution gratuite d’actions etc….).

Au lieu de se servir de la réforme des retraites comme d’un levier pour imposer une grande revalorisation du travail, les syndicats français ont été incapables de négocier.

Alors qu’ils ne représentent plus que 8 % des salariés ( contre 50 à 70 % en Europe du Nord), ils ont fait croire à la foule qu’elle pouvait, en envahissant la rue, faire annuler un vote parlementaire. Pure illusion.

Encore faudrait-il avoir des syndicats aptes à négocier. Or le populisme pousse à la radicalité et empêche tout accord. C’est d’autant plus vrai que des syndicats minoritaires font la course aux extrêmes pour subsister.

A force de répéter : « On ne lâche rien », ils lâchent tout puisqu’ils ne négocient rien !

Mais de tous les acteurs de cette débâcle française les médias ont souvent été les pires. Sous la pression des réseaux sociaux, ils ont flatté le populisme et s’en sont nourris. A quelques exceptions près dont LCI. Ils n’ont pas vraiment informé, ni sur les raisons de la réforme ni sur son contenu réel, encore moins sur la situation financière de la France qui est beaucoup plus détériorée qu’on ne croit. Nous sommes devenus le premier emprunteur européen et le quatrième du monde.

Comme illustration de la désinformation, qui sait aujourd’hui que beaucoup de salariés ayant commencé tôt partiront avant 62 ans ? Et que les 64 ans ne toucheront réellement qu’une moitié d’entre eux ?

En définitive, le populisme pousse la France vers une impasse violente.

Avec la poussée populiste , la France aborde la dernière étape de son long déclin comme nous en avertit Nicolas BAVEREZ :

« Longtemps masquée, la chute de la France est désormais comprise et mesurée par les Français comme par nos partenaires européens, nos alliés et nos ennemis. Notre pays est programmé pour aller se fracasser contre le mur financier de la dette et sur le mur politique de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. »

Baverez se trompe-t-il ?

La démocratie peut-elle se ressaisir ?

Il faudrait pour cela guérir d’une addiction collective : l’addiction à l’endettement, accompagnée du brassage médiatique du vide enrobé de postures.

Apprendre à se parler et à se respecter.

En bâtissant des accords et des compromis. Sinon la démocratie finira par disparaître (1). Car comme l’écrivait Montesquieu, elle ne peut se fonder que sur la vertu.

(1)« 2023-2024 : Vers une crise générale des démocraties ? » par Maxime MAURY dans Spectacle du monde , janvier 2023.

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