Communiqué de la Confédération paysanne :
Courrier transmis ce jour aux députés gersois concernant la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur qui sera examinée par l'Assemblée à partir du 26 mai.
"A partir du 26 mai, vous allez examiner en séance publique la proposition de loi censée « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». En tant que syndicat agricole représentatif, nous tenons à vous faire savoir que nous nous opposons fermement à ce texte.
Notre syndicat représente plus de 20% des paysannes et paysans, nous dirigeons 4 chambres d’agriculture (en Corse, en Ardèche, en Guyane et à Mayotte) et notre organisme de formation, le réseau de la FADEAR, installe plus d’un tiers des porteurs et porteuses de projet.
Depuis le début, la Confédération paysanne s’oppose au texte régressif porté par le sénateur Duplomb. Contrairement à ce que prétend son titre, ce texte comporte de réelles et graves entraves à l'agriculture en France. L’agriculture qui relocalise, qui installe, qui respecte les sols, préserve la ressource en eau et rend possible la souveraineté alimentaire.
Trois articles, en particulier, rencontrent notre opposition (totale).
L’article 2 concerne le fonctionnement de l’Anses et la réautorisation dL’article 2 concerne le fonctionnement de l’Anses et la réautorisation de trois néonicotinoïdes. Les dispositions consacrées à l’Anses ont été à la fois supprimées par la commission du développement durable et par la commission des affaires économiques. Nous soutenons la suppression de ces dispositions et nous vont demandons de voter contre les amendements qui viseraient à les réintroduire.
Cet article 2 prévoit aussi la réautorisation, après 10 ans d’interdiction, de trois néonicotinoïdes. La commission du développement durable, dans une démarche transpartisane, a supprimé ces dispositions, celle des affaires économiques les a maintenues après d’âpres débats. Il ressort de ces débats, au sein de différents groupes parlementaires, une liberté de conscience et de conviction devant la gravité de cette décision de réintroduire ou non ces néonicotinoïdes, dont la dangerosité est scientifiquement attestée.
Réautoriser les néonicotinoïdes, c’est condamner l’apiculture en France, qui souffre déjà de l’ultra-libéralisme et des effets des pesticides sur la flore, les sols et l’eau. C’est maintenir des fermes et des filières dans une dépendance économique qui les empêche de faire évoluer leurs pratiques, au seul profit de l’agro-industrie. Prétendre que réautoriser les néonicotinoïdes avec de pseudos « garde fous » aidera les filières en difficulté est faux. En 10 ans, la recherche et les investissements pour développer les alternatives déjà existantes, accompagner les producteurs et productrices n’ont pas été à la hauteur. Qu’en sera-t-il en 3 ans ! Vous ne devez pas cautionner ses manœuvres dilatoires qui, au final, pénaliseront les producteurs et productrices. Il faut soutenir massivement l’accompagnement aux changements de pratiques et cessez de laisser la main aux marchands de pesticides.
Ces derniers n’ont de cesse de revenir sur cette interdiction. Le 14 mai dernier, le rapporteur public du Conseil d’Etat a donné un avis défavorable à la demande du fabricant de pesticides Phytéis (ex UIPP) d’annuler le décret interdisant trois néonicotinoïdes (l’acétamipride, la flupyradifurone et le sulfoxaflor). On comprend l’empressement des marchands de pesticides et de l’agroindustrie à faire adopter cet article 2.
Soutenir la réautorisation de néonicotinoïdes, c’est aussi assumer de probables cas de cancers pour les paysannes et paysans qui les utilisent et pour toutes les personnes exposées. C’est une très lourde responsabilité. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de soutenir les amendements de suppression de l’article 2 et de voter contre cet article.
L’article 3, vise à relever les seuils des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) pour les élevages bovins. Notre syndicat, qui compte majoritairement des éleveurs et éleveuses en bovins, caprins, porcins et volailles, connaît parfaitement les besoins et les problématiques liées à l’élevage. Le relèvement des seuils ne va pas favoriser le renouvellement des générations. Pour la Confédération paysanne, l’avenir de l’élevage passe par l’installation de fermes partout sur le territoire et non leur concentration dans des territoires déjà denses. Pour cela, les éleveuses et éleveurs ont besoin de revenu, de soutien dans l’exercice de leur métier, de prix garantis, d’outils d’abattage localisé et non de dispositions pour faciliter la produc -tion animale industrielle. Nous vous demandons donc de supprimer cet article 3.
L’article 5 concerne les mégabassines et la protection des captages en zone humide. Saisie au fond, la commission du développement durable a supprimé cet article. Les mégabassines sont un parfait exemple d’une mal-adaptation aux enjeux agricoles et climatiques. Cette appréhension de l’usage de l’eau empêche aussi de mener un vrai débat sur la protection, le partage de l’eau et la hiérarchisation des usages. Alors que canicule et inondations se succèdent, il est temps d’envisager des solutions résilientes pour permettre la transition des systèmes agricoles. Nous vous demandons donc de vous opposer à tout amendement qui viserait à réintroduire les dispositions de l’article 5 et de soutenir les dispositions nouvelles après l’article 5.
Ces 3 articles, comme toute cette proposition de loi, ne sont pas une solution pour permettre l’exercice de notre métier. La solution, absente de ce texte, est la garantie d’un revenu pour les paysannes et paysans, grâce à des prix rémunérateurs. Les lois Egalim ne l’ont pas fait, la LOA non plus. Et après la promesse d’Emmanuel Macron de « prix plancher », le sujet a été enterrépar le gouvernement actuel. Sans revenu pas de production, pas d’installation, pas de relocalisation et donc pas de souveraineté alimentaire.
Vous avez été nombreuses et nombreux à relayer et soutenir, au sein de l’hémicycle comme sur le terrain, les récentes mobilisations agricoles. La question du revenu y est apparue comme centrale et prioritaire. La Confédération paysanne n’a de cesse de porter des solutions pour y parvenir, quand les dirigeants de la FNSEA comme de la CR instrumentalisent la question des normes et des contrôles, au service du modèle agro-industriel. Ils n’ont pas porté haut et fort la question du revenu et de prix minimums rémunérateurs. Aujourd’hui, ces mêmes dirigeants usent de l’intimidation pour sauver la face. Nous vous demandons de ne pas céder à cette pression contraire à l’intérêt de la majorité des paysan·nes, à leur santé comme à celle de nos citoyen·nes et au devenir de l'élevage.
Non « le monde agricole » ne soutient pas cette proposition de loi. Dire le contraire est une contre-vérité. C'est pourquoi, nous vous demandons de porter une très grande attention à ce texte et d’œuvrer à son rejet."