"Le fils de l'homme" de Pascal Borghi vous accueille à Mourède !

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Rencontre avec son auteur

Elle vous accueille à votre arrivée sur la place de l’église de Mourède et vous interpelle.

Deux réactions : on s’y attarde dès l’arrivée en se laissant submerger par ce qu’elle nous suggère sans rien savoir de son auteur ou on y jette un regard rapide et on y reviendra quand on aura visité l’exposition et vu d’autres œuvres du sculpteur.

Elle, c’est la sculpture de grande taille « Le fils de l’homme » de l’artiste Pascal Borghi.

Elle nous avait déjà interpellés quand Béatrice Fernando, présidente d’Avoz’art, en avait publié la photo sur la page facebook du festival.

Nous avons voulu la voir « en vrai » et surtout rencontrer son auteur pour qu’il nous fournisse quelques éléments d’interprétation.

Pascal Borghi est un artiste autodidacte qui expose à la galerie Bouillon d’Art comme un grand nombre des exposants de Mourède.

C’est un « personnage », un homme de conviction, un amoureux de la liberté, réfractaire à toute contrainte, philosophie de vie qu’il exprime dans ses œuvres.

Rencontre :

Journal du Gers : Pascal Borghi, comment êtes-vous devenu sculpteur ?

Pascal Borghi : J’ai toujours été attiré par le dessin mais je n’avais absolument pas l’idée de devenir artiste.

J’avais touché au monde de l’art mais en tant que comédien et metteur en scène au théâtre.

Un jour, j’ai découvert la matière-terre lors d’une période de ma vie où j’errais un peu. Un ami m’a offert un pain de terre et m’a dit « Vas-y ! »

Tout de suite, la matière m’a parlé et depuis, je n’arrive plus à dessiner.

Depuis que je suis passé en 3 D, je ne peux plus faire de dessin !

Journal du Gers : Quand vous démarrez une œuvre, vous ne la dessinez pas au préalable ?

Pascal Borghi : Je démarre mon travail sans dessin, sans maquette, sans ébauche, c’est un véritable dialogue avec la matière qui s’engage.

Mon rapport à la terre est presque de l’ordre du karmique. La terre a sa propre existence.

C’est elle qui me dicte l’oeuvre que je vais réaliser.

Journal du Gers : On retrouve tout de même dans vos œuvres une ligne directrice commune ?

Pascal Borghi : Oui, en effet, j’ai ma ligne générale : je travaille sur l’expression du corps, ce que j’appelle « le corps émotionnel », c’est-à-dire les tensions du corps.

Mes personnages sont toujours représentés avec des tensions au niveau du dos, du torse, du ventre...

Cela, c’est la base. Après, en ce qui concerne l’expression même de chaque personnage, c’est vraiment un dialogue avec la terre.

J’ai déjà essayé de « mentaliser » mon travail mais cela ne fonctionne pas car cela me coupe du dialogue avec la terre comme si j’avais trop réfléchi et que je ne pouvais plus écouter ce qu’elle me disait.

Journal du Gers : Vos personnages sont dans la tension mais la plupart sont dotés d’ailes. Pourquoi ?

Est-ce un moyen de se libérer des contraintes ?

Pascal Borghi : Les ailes sont en effet très présentes en particulier dans une série sortie juste après les attentats du Bataclan qui s’appelle « Les anges blessés ».

Ces événements m’ont ramené à mon passé au Liban pendant la guerre civile.

Dans notre culture judéo-chrétienne, les ailes sont souvent rapportées aux anges.

Pour moi, c’est plus une référence à ma vision de la liberté.

En fait, je travaille sur le paradoxe entre nos besoins de liberté et nos contraintes quelles qu’elles soient, familiales, affectives, professionnelles...

Mes pièces sont à la fois bridées et dans une recherche de mouvement et d’envol.

Journal du Gers : Finalement, votre vécu parle aussi dans vos œuvres ?

Pascal Borghi : Oui, c’est un dialogue entre les deux, entre moi, ma propre histoire et l’histoire que veut me raconter la terre.

Journal du Gers : La terre n’est pas la seule matière que vous travaillez ?

Pascal Borghi : Je travaille beaucoup la terre mais j’aime aussi travailler les mélanges de matière, le métal, le bois, le plâtre mais aussi le matériau de récupération.

Ce qui est essentiel, c’est de fondre les matières ensemble.

Journal du Gers : « Le fils de l’homme » est une pièce à part dans votre œuvre. Pouvez-vous nous en parler ?

Pascal Borghi : C’est ma première sculpture de cette taille (plus de 2 mètres).

C’est une pièce liée à une commande pour une exposition dont seul le thème était imposé, "La crucifixion". Nous étions 33 artistes sélectionnés mais avec la crise sanitaire, ce projet n’a pas pu aboutir. C’est d’ailleurs à Mourède la première exposition de cette œuvre.

Avec cette pièce, je suis sorti de mes sentiers battus puisqu’elle est composée de métal, de résine et de béton et qu’elle est de très grande taille.

Nous pouvions interpréter le thème à notre guise.

Ma culture judeo-chrétienne m’a automatiquement conduit à lier la crucifixion à la Bible, au fils de Dieu.

Mon idée a été de prendre le contre-pied et de parler non pas du fils de Dieu mais du fils de l’homme tel qu’il m’apparaît dans ses travers.

On a crucifié le fils de Dieu, aujourd’hui, on a crucifié l’humain sur le totem de la consommation, de la surconsommation, de l’industriel, du numérique…

Mon personnage s’affiche d’abord dans sa toute puissance puis on s’aperçoit qu’il est attaché à une colonne de canettes usagées, qu’il a des rouages mécaniques à la place du coeur, des téléphones portables greffés au cerveau…

Il est en fait esclave de l’ère industrielle et numérique.

Il est crucifié sur une sorte de croix qui comporte un code binaire à déchiffrer même si au milieu, deux mots se détachent « hacker » et « victime », donnant déjà quelques éléments d'interprétation...

Depuis très jeune, je suis très sensible à ce qui se passe autour de moi, à l’environnement, au social… et je pense que nous les artistes sommes les traducteurs de ce sentiment.

Une de mes interrogations dans mon travail est la place de l’humain dans notre société avec tous les paradoxes que cela comporte.

Comment peut-on continuer à vivre dans une société de surconsommation en sachant qu’on va être rapidement envahi, débordé ?

Journal du Gers : Votre personnage porte un masque. En cette période de crise sanitaire, c’est sans doute le premier élément qu’on remarque ! Vous a-t-il été suggéré par la situation actuelle ?

Pascal Borghi : Pas du tout ! Cette pièce était pour ainsi dire terminée avant la crise sanitaire!

Le masque était déjà existant avant et c’était une référence à la pollution de l’air. Il n’y avait dans mon esprit aucune référence à un quelconque virus, ni même aux masques à gaz en temps de guerre ! Ma pièce a été rattrapée par la réalité !

Venez découvrir à Mourède « Le fils de l’homme » et peut-être parviendrez-vous à déchiffrer le code !

Venez aussi découvrir les autres œuvres que Pascal Borghi expose à l’intérieur de l’église ainsi que celles de tous les artistes talentueux qui font de Mourède pendant 15 jours « the place to be » !

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