Nitrates d’origine agricole : annulation des dérogations à la couverture des sols pour préserver les milieux aquatiques

COMMUNIQUÉ France Nature Environnement

Par un jugement du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de TOULOUSE annule pour partie le 6e programme d’actions régional (PAR) pour lutter contre les nitrates d’origine agricole à la demande de nos 4 fédérations . La Justice reproche à ce plan de prévoir deux dérogations qui contreviennent gravement à l’objectif de lutte contre la pollution des eaux (rivières et nappes phréatiques). En effet la loi oblige à maintenir une couverture végétale pour prévenir la contamination des milieux aquatiques par les nitrates.
Retour sur un contentieux initié depuis 2014.

Une lutte contre les nitrates d’origine agricole depuis 1991…

En matière de protection de la qualité des eaux, la lutte contre la pollution diffuse par les nitrates est un enjeu important. Dès 1991, les Etats membres de l’Union européenne s’étaient dotés d’une directive (n°91/976/CEE) qui vise à réduire la pollution des eaux provoquées par les nitrates utilisés à des fins agricoles et à prévenir toute nouvelle pollution. Cette directive repose sur la désignation de « zones vulnérables » et l’adoption d’un programme d’actions, décliné en plans nationaux et régionaux, renouvelés tous les 4 ans. En Occitanie, le préfet de région a adopté le 6e programme d’actions régional le 21 décembre 2018, dont les mesures étaient une nouvelle fois largement insuffisantes pour assurer la protection des milieux aquatiques (voir nos observations).

Des dérogations propres à Midi-Pyrénées qui violent le droit européen

Comme nous l’avions formulé dans un recours gracieux contre le précédent programme d’actions régional (5e), nos 4 associations ont demandé au préfet de supprimer les deux dérogations à la mise en place des cultures intermédiaires (dites « CIPAN »),
Rappelons que ces CIPAN ont un rôle primordial dans la lutte contre la pollution des sols, absorbant/résorbant les résidus de nitrates et limitant le transfert de ces derniers dans les eaux, notamment lors des fortes périodes pluvieuses automnales. En outre, la présence d’une couverture végétale limite le phénomène de ruissellement responsable de l’érosion et des coulées de boue, mais également contribue à une restitution partielle de l’azote pour la culture de printemps après minéralisation dans la rhizosphère (mycorhizes).
Or, le préfet avait une nouvelle fois accepté de déroger au principe de mise en place des cultures intermédiaires (CIPAN) :
  • Pour favoriser les populations de Pigeon ramier (dérogation dite à « enjeu palombes ») alors que cette espèce est désormais classée en « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (nouvelle désignation des animaux dits « nuisibles »);
  •  
Lorsque les taux d’argile étaient supérieurs à 25%, alors que les experts agronomes de l’INRAE recommandent d’y déroger à partir d’un taux supérieur à 37%, faisant de l’Occitanie la région avec le taux le plus faible de France.

Une contamination des eaux par les nitrates aggravée par ces illégalités

Ces dérogations nuisent gravement à l’état chimique des eaux tant superficielles que souterraines.
Or, les récentes données de l’agence de l’eau Adour-Garonne confirment que c’est justement dans cette plaine agricole (Principalement le nord des Hautes-Pyrénées et de la Haute-Garonne, le Gers, le Tarn-et-Garonne ainsi que le Tarn pour partie) que les eaux tant superficielles que souterraines sont les plus contaminées par les nitrates d’origine agricole (voir l’état des lieux 2019 de l’agence de l’eau en annexe).
Pour Cécile ARGENTIN, Présidente de FNE Midi-Pyrénées :Les nitrates en constante augmentation constituent aujourd’hui la cause majeure de pollution des grands réservoirs d’eau souterraine. Ingérés en trop grande quantité, les nitrates ont des effets toxiques sur la santé humaine* (*CNRS) et ils contribuent avec les phosphates à modifier l’équilibre biologique des sols et des milieux aquatiques en provoquant l’’ l’eutrophisation des masses d’eau. Compte tenu de la persistance de pratiques et de la rémanence dans les sols nous perpétuons des décennies de pollution sans recourir aux solutions efficaces. Ce jugement remet en lumière ce sujet et pointe une prise en compte et une connaissance par les acteurs largement insuffisante de cette problématique.
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