Riguepeu 1843 : l’affaire de la prétendue empoisonneuse, la veuve Lacoste

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Le Gers, pays d'affaires criminelles ?

Mercredi soir, Pierre Dutil, membre de la société archéologique du Gers, nous contera l'affaire Joseph Pissembert qui avait en 1854 à Condom empoisonné son épouse.

Quelques années auparavant, Riguepeu avait été le théâtre d'une autre affaire de prétendu empoisonnement, l'affaire Lacoste.

De cette affaire, Pierre Dumayet tira une émission projetée en1969 dans le cadre de ses productions «En votre âme et conscience » sous la direction de René Lucot : un quart d’heure du film fut tourné à Riguepeu.

Un mort  qui  interpelle

Le 23 mai 1843, la cloche de l’église de Riguepeu sonne le glas : Monsieur Lacoste , 73 ans, vient de décéder dans sa maison bourgeoise de Philibert après une semaine d’agonie . La population en foule l’accompagne à sa dernière demeure et assure la  jeune veuve née Euphémie Vergès âgée de 23 ans de toute sa sympathie.

La période de veuvage ne dure guère ; la veuve Lacoste revient dans sa ville d’origine,Tarbes où elle mène grande vie. On parle d’un luxueux appartement, d’un cocher et d’une voiture. Elle revient de temps en temps à Philibert où elle retrouve un ami de son mari, l’instituteur Meilhan, un alerte septuagénaire.

Nous sommes en 1843, on sort du fameux procès de l’empoisonneuse de Corrèze , Mme Laffargue, condamnée au bagne à perpétuité pour l’assassinat de son mari. On fait des rapprochements, les langues se délient.

Le juge de paix de Vic-Fezensac mène l’enquête et le parquet d’Auch ordonne une autopsie.

On trouve alors dans les viscères de Lacoste cinq milligrammes d’arsenic.

On s’interroge et on fouille dans le passé du couple Lacoste. On essaie de reconstituer dans le détail la période d’agonie du maître de Philibert.

Lacoste avait épousé. Euphémie Vergez qui était sa petite nièce. Un curé complaisant avait béni l’union dans une chambre d’hôtel à Tarbes.

En fait, ce curé ne fut jamais retrouvé.

La jeune Euphémie avait été séduite par la fortune de Lacoste. Propriétaire du château de Philibert, demeure cossue entourée de pâturages et de vignes, l'homme était reconnu dans la commune comme étant  usurier.

Il passait pour un être frustre, très porté sur le sexe et ses harcèlements faisaient que les servantes défilaient à Philibert.

Le16 mai, jour de la foire à Riguepeu, Lacoste déjeune avec une solide soupe de haricots et termine son repas en faisant chabrot - on boit du vin versé dans l’assiette encore chaude du bouillon. Il rencontre son ami, l’instituteur Meilhan, un personnage trouble originaire de Vic-Fezensac, où il ne put tenir l’officine de pharmacie léguée par sa famille. Il s’engagea dans la voie de l’enseignement. Il aurait invité Lacoste à boire un verre à la taverne du village.

Vers 16 h Lacoste est pris de violentes coliques et regagne difficilement Philibert où il s’alite.

Sa femme n’alertera le médecin de Vic, le Docteur Ligane, qu’au soir du 22 mai.

Le lendemain matin, le docteur qui se rend à Riguepeu, trouve sur son chemin, un messager avec son char à banc  qui lui dit qu’il peut suspendre son déplacement. Lacoste est décédé.

Le procès, pas de preuves formelles

Meilhan est arrêté, Mme Lacoste se cache mais s’engage à se présenter le jour du procès. Elle tiendra parole.

Meilhan est défendu par un vieux maître du barreau, Maître Canteloup, qui réussit à présenter un témoignage capital, celui d’un nommé Mothe, ancien officier avec croix d’honneur et jambe de bois demeurant à Saint Arailles. Meilhan affirmait qu'il n'avait pas bu avec Lacoste le jour de la foire, il avait passé son après midi avec Mothe . Ce dernier reconnaissait pourtant que Meilhan l’avait quitté durant une demi-heure, mais sous la pression  de l’avocat, Mothe fut de moins en moins affirmatif sur ce point important.

Mme Lacoste défendue par Alem-Rousseau répondait avec beaucoup d’asssurance aux questions du juge.

En effet, on expliquait mal comment elle avait laissé son mari durant six jours dans cet état de souffrance sans avertir le médecin.

Il était reconnu que Lacoste pratiquait l’auto médication et refusait les médecins.

Vint au centre des débats la fameuse liqueur de Fowler qui contient une très forte dose d’arsenic. 

Un pharmacien témoigne à la barre et regrette que ce produit soit en vente, sous le manteau certes, mais en  grande  quantité. 

« C’est  un grand  mal ", dit-il en  conclusion.

Alem -Rousseau  ne  manquait  pas   de  saisir  une  telle   occasion pour  innocenter  sa  cliente.  Lacoste  devait  soigner  ses  dartres   avec la  liqueur de  Fowler . Les  jurés  se focalisèrent  sur  ce  produit  et  répondirent  négativement à  toutes  les  questions .

Mme Lacoste et Meilhan étaient innocents et n’avaient donc joué aucun rôle dans l’empoisonnement.

Que devint Mme Lacoste ?

Elle se remaria avec Armand Tauriac qui dilapida son bien. Elle mourut du  choléra  en 1854.

Cette production de la télévision dans le cadre de la série" En votre âme et conscience" signée de Pierre Dumayet et René Lucot, connut un énorme succès, en particulier dans le Gers.

Pierre DUPOUY 

Photo-titre : scène du tournage 

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