Quand les festivités locales de la Saint Matthieu donnaient lieu à des repas de fête!

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Petite précision avant tout : la fête locale de Vic-Fezensac avait lieu il y a bien longtemps pour la fête du saint de la ville, c'est-à-dire Saint-Pierre que l'on fête le 29  juin.

Mais en 1841, le maire de Vic-Fezensac, Etienne Maravat, a décidé de « voler » la date de la Saint Matthieu qui était la fête à Marambat !

Il lui semblait que cette date convenait mieux : c'était l'époque des vendanges, il y avait plus de monde, des vendangeuses arrivaient des Pyrénées et souvent  restaient dans le secteur car elles trouvaient un époux sur place !

Cette fête de la Saint-Matthieu était à l'époque un événement festif et familial car pour la Saint Matthieu, comme disait ma grand-mère, on invitait toute « la parentaille » c'est-à-dire les oncles, les tantes, les neveux, les petits neveux, les cousins plus ou moins lointains...

Bref, on invitait beaucoup de monde.

Je me souviens d'un couple qui était arrivé le jour du déjeuner et que je ne connaissais pas.

Je demande à ma grand-mère de qui il s'agit. Cette dernière me répond : « Bien sûr, tu ne les connais pas, ces gens venaient du temps de ma mère, je les ai invités pour renouer des liens avec eux ». Il m'a semblé que ces gens-là avaient bien mangé mais n'avaient noué de lien avec personne !

Ce jour-là, la gastronomie était à l'honneur.

On faisait une jolie table, on mettait la belle nappe et les serviettes aux initiales de la propriétaire – pour montrer qu'on en avait !- les belles assiettes, les lourds couverts d'argent.

On débutait par un petit verre de vin blanc en guise d'apéritif, du vin de l'année passée sur lequel les commentaires allaient bon train. Il fallait reprendre un deuxième verre pour vérifier l'avis de tel ou tel convive...

Puis arrivait sur la table une grande soupière fumante contenant un bouillon au tapioca.

Le tapioca n'était pas un mets courant. C'était vraiment le signe d'un repas de fête.

Dans ce bouillon, avaient cuit dans un globe en métal percé de trous des morceaux de veau.

Arrivait ensuite le foie gras. Ma grand-mère avait l'habitude de le sortir du bocal et de le servir entier sur une assiette avec un couteau. Chacun se coupait ainsi la tranche qu'il voulait.

Chacun faisait son petit commentaire sur ce qui était un véritable mets de fête.

Puis arrivait le bouillis, c'est-à-dire le veau qui avait cuit dans le bouillon.

Ce qui étonnait les convives, c'était un pot qui trônait sur la table, un pot qui contenait de la moutarde de Bezolles.

Ma mère précisait qu'elle l'avait acheté à monsieur Fitte qui lui avait vendu une louchée de moutarde.

Il est vrai que la moutarde de Bezolles n'était pas tous les jours sur la table, c'était encore une fois un produit exceptionnel que les convives appréciaient.

Le soir, le pot était vide !

On arrivait alors au rôti. C'était une tradition, « lo bourrit et lo rostit », le bouilli et le rôti.

Il s'agissait d'une superbe dinde, la plus grosse de la basse-cour qui avait tourné au tourne-broche pendant toute la matinée, arrosée de temps en temps avec la graisse qui tombait.

Elle avait pris une magnifique couleur dorée de la viande qui a longtemps tourné sur la broche.

C'était ma grand-mère qui découpait.

Les convives faisaient là aussi des commentaires : « Elle est meilleure que celle de l'an dernier. Je pense qu'elle a mangé beaucoup plus de maïs et d'herbe au pré. »

Autour, on trouvait quelques pommes de terre cuites dans la graisse mais ce n'était pas l'élément essentiel.

Ce n'était pas un repas végétarien. Pas de salade par exemple !

Après la dinde, les convives faisaient une pause. C'est alors que commençaient les discussions.

Chez moi, il y avait d'un côté ceux de droite « les culs blancs », comme les appelait mon grand-père, et de l'autre, ceux de gauche !

Il n'y avait pas pour autant de querelles.

Mon grand-père, le vieux républicain de la 3ème république, aimait bien taquiner Georges, un industriel vicois qui fabriquait des tricots. Mon grand-père lui citait quelques pages du journal républicain sur l'exploitation des ouvriers dans les usines mais il terminait toujours en lui disant : « Mais toi, tu es un brave type, tu n'es pas comme ça ! »

Arrivait le dessert. Les convives pour participer avaient apporté des choux à la crème confectionnés à la pâtisserie Fréchingues.

Ma grand-mère qui ne voulait pas être en reste et avait une dent contre la pâtisserie « industriellle » apportait sur la table le gâteau du pays, le pastis gascon recouvert de feuilles  croustillantes.

Quand elle découpait le gâteau , se dégageait une bonne odeur de pommes « de pommier » qui garnissaient la pâtisserie, des pommes qui avaient trempé la veille dans de l'armagnac.

On servait aussi une crème qu'on appelait la crème anglaise sur laquelle surnageaient « les îles flottantes ». Tout le monde appréciait ce mets...sauf Petiton, un homme que ma famille avait recueilli lors d'un incendie dans la maison voisine.

«Je n'en veux pas de cela, c'est de la cochonnerie, il n'y a que des œufs ! » disait-il en patois.

Arrivait le café et surtout le pousse-café, les armagnacs. Il y avait trois bouteilles, je ne me souviens pas des millésimes mais un était très ancien : « Celui-là on va le finir cette année », disait mon grand-père.

Georges recommandait de verser le breuvage dans la tasse encore chaude du café pour que l'alcool dégage tout son arôme.

C'était aussi le moment où l'on sortait les cigarettes.

Période de restriction oblige, des convives avaient apporté en cadeau un paquet de gauloises qui étaient très appréciées...sauf par Petiton qui ne voulait pas de ces cigarettes toutes faites.

Il sortait sa blague de tabac gris et se roulait une grosse cigarette qu'il collait d'un coup de langue, il l'allumait avec un briquet de la guerre de 14 en cuivre qui faisait de longues flammes qui lui brûlaient les moustaches !

Les discussions s'animaient au fur et à mesure que le niveau des Marie Jeanne baissait...

On ne parlait pas tant de politique que des affaires de la ville ou du village.

Pour agacer ceux de la ville, les agriculteurs leur disaient qu'ils étaient des favorisés !

Mais les échanges étaient toujours bon enfant !

Ces moments partagés étaient synonymes  de convivialité entre les gens

Maintenant chacun vit dans son coin, se battant contre des difficultés de plus en plus importantes, difficultés qui existaient sans doute à l'époque mais auxquelles les gens savaient s'adapter.

Aujourd'hui, lors de la Saint Matthieu, on ne voit plus dans les maisons le long de la rue de la République, ces longues tables de convives, les invités qui chantaient perchés sur le rebord de la fenêtre, d'autres qui dansaient...

Autres temps, autres moeurs...

Pierre DUPOUY

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